des Anciens Élèves et des Élèves du Conservatoire
National Supérieur de Musique et de Danse de Paris

Henri Dutilleux (1916 – 2013) | Association CNSMDP

Hommages

Henri Dutilleux (1916 – 2013)

Henri Dutilleux épris, au cours de sa longue existence, de ce besoin de solitude et d’évasion, s’en est allé le 22 mai 2013 rejoindre « Tout un monde lointain »*, qu’il a si éloquemment décrit.

Il naît à Angers le 22 janvier 1916, dans une famille où la peinture et la musique créent un univers artistique favorable à l’épanouissement de dons exceptionnels. Il reconnaitra plus tard le magnifique héritage dont il a bénéficié, et l’éveil pour l’art pictural que son aïeul Constant Dutilleux – ami de Corot et de Delacroix –a exacerbé depuis son enfance.Ses parents l’ont encouragé très tôt, dans la réussite de sa vocation.

Ses études à Paris au CNSM sont couronnées en 1938 par le Grand prix de Rome ; mais son séjour à la Villa Médicis fut interrompu lorsque l’Italie entra dans le conflit de la seconde Guerre mondiale.

Son premier poste lui sera proposé par Henri Barraud, au Studio d’essai de la RTF, où il assure les illustrations musicales. Ce n’est qu’en 1963, dégagé de toute obligation administrative, qu’il peut enfin se consacrer exclusivement à la composition.

Certes, sa renommée avait déjà été confirmée par le triomphe remporté par la Sonatepour piano et les deux Symphonies; mais, dès 1964, s’ouvre une autre période dans sa manière de composer, avec une œuvre magistrale : Métaboles. Le quatuor « Ainsi la Nuit » et, plus encore, le concerto pour violoncelle « Tout un monde lointain » ont une résonance immense, à leur sortie.Des événements essentiels,qui se renouvelleront avec « Timbre, Espace, Mouvement », « L’Arbre de Songes », « Le Temps, l’Horloge », « Mystère de l’Instant ». Tous ces titres révèlent, outre leur évocation poétique, la préoccupation angoissée d’Henri Dutilleux pour les mystères de la Nature, du Temps et de la Mort.

Définir son esthétique au travers des méandres dans lesquels s’est glissée son inspiration demeure une délicate entreprise.Son langage, résolument écarté de tout système pré-établi, traduit une qualité d’imagination nourrie par des constantes qu’il révèle lui-même : la base solidement édifiée par l’écriture du contrepoint et de la fugue, « sorte de mécanisme de la pensée », ainsi que l’emploi de la « note-pivot ».

Son œuvre logique et claire – ce qui la classe déjà parmi les classiques – s’est imposée par le sceau de l’authenticité, qui est apposé sur un art qui tend vers l’universalité.Sans doute ne connaîtra-t-elle pas l’éclipse dont la plupart des grands créateurs sont victimes après leur disparition.
Henri Dutilleux avait l’intelligence du cœur, et était la discrétion et l’élégance faites homme. Il est sans conteste un des plus grands compositeurs depuis la seconde moitié du XXème siècle ; un artiste avec tout ce que ce terme peut contenir de sensibilité et de connaissance. Tout sa vie, il a travaillé avec ardeur, persévérance et opiniâtreté, pour obtenir toujours la plus belle forme musicale possible. Son humanisme chevillé au corps a fait de lui un homme rare, dont la fréquentation était d’une indicible richesse.

Pierrette Mari
* La Chevelure, Les Fleurs du mal de Charles Baudelaire

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